Imaginer Québec au XVIIIe siècle
L’illusion du lieu et les vues d’optique des graveurs allemands
En pleine Révolution américaine (1775-1783), des images étonnantes de Québec circulent
un peu partout en Europe. Publiées par un éditeur d’Augsbourg, cité impériale du
Saint-Empire romain germanique, ces représentations sont ornées de bâtiments à
l’architecture baroque ou rococo typiques du sud de l’Allemagne, de peaux de castor et
d’Autochtones habillés à la bavaroise.
Non pas de simples gravures, ces images souvent colorées sont des vues d’optique. Elles
sont faites pour éblouir et, une fois placées dans un instrument, donner une impression
de trois dimensions. Elles doivent aussi retenir notre attention parce qu’elles font partie
des très rares œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles qui ne reproduisent pas les modèles mis
en place par les artisans français ou britanniques pour décrire Québec. Elles ont plutôt
été créées par deux graveurs allemands, Franz Xaver Habermann et Balthasar Frederic
Leizelt, qui n’ont jamais mis les pieds en Amérique, encore moins dans l’ancienne
capitale de la Nouvelle-France.
De quoi ces artistes se sont-ils donc inspirés pour produire leur vision de la ville ? D’effets
d’optique recherchés ? Des connaissances fragmentaires disponibles à propos de cette
colonie française alors récemment tombée aux mains des Britanniques ? Des lettres des
mercenaires allemands envoyés pour combattre les révolutionnaires américains ? C’est
à une enquête sur l’origine et la réception de ces représentations que se prête ce livre,
enquête qui nous mènera des ateliers de gravure bavarois jusqu’aux foires et aux rues
achalandées du Vieux Continent, en passant par les salons des bien nantis.
Marjolaine Poirier est étudiante au doctorat en histoire de l’art à l’Université du Québec
à Montréal. Entre culture visuelle, géographie et technique, ses recherches s’intéressent à
la relation entre l’imaginaire des lieux et les dispositifs technologiques visant à créer une
impression de trois dimensions. Réalisé à l’Université de Montréal, son mémoire de maîtrise
étudiait les vues d’optique représentant Québec au XVIIIe siècle. Ses travaux actuels portent
sur les vues stéréoscopiques de Montréal et de Québec créées entre 1850 et 1885.